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Histoire d'une statue de Balzac

La nouvelle édition du guide Blue Lion de la Maison de Balzac inclut aussi une description de la tête de l'auteur de la Comédie humaine que Rodin réalisa vers la fin du XIXème siècle. Une histoire assez remarquable pour une œuvre remarquable qui peut être admirée aujourd'hui à Montparnasse. Téléchargez l'appli gratuite ici.


Rodin: esquisse d'une statute. Musée Rodin
Rodin: tête de Balzac. Maison de Balzac
Une des œuvres les plus remarquables est la tête réalisée par Auguste Rodin en préparation du monument à Balzac, situé sur le terre-plein à l'angle du boulevard Raspail et du boulevard Montparnasse. Cette statue lui avait été commandité par la Société des gens de lettres, présidée par Émile Zola, après la mort de Henri Chapu, le sculpteur qui avait été chargé en premier lieu de créer le monument.

 
Photo de Steichen
Rodin travailla à la sculpture entre 1891 et 1897: peu à peu il s'éloigna d'une représentation fidèle de Balzac pour se concentrer sur la puissance du regard sur la société de son époque qu'exprimait la Comédie humaine. Il étudia des portraits de l'écrivain, et s'imagina même un Balzac nu, comme témoignent les ébauches dont l'une est conservée au Musée Rodin. Enfin, le sculpteur trouve des caricatures dont celle du Charivari qui représente Balzac dans sa tenue de travail habituelle : une robe de chambre blanche de dominicain. Il retrouve un ancien tailleur de Balzac encore en vie et lui commande des vêtements de toutes sortes pour fixer la taille, la silhouette et la forte corpulence du sujet. Rodin voudrait faire un Balzac vêtu d'une robe de moine semblable à sa robe de chambre.

Musée Rodin: Monument à Balzac
Comme en témoigna Rainer-Maria Rilke, le résultat final est d'une force expressive inattendue, qui reflète l’œuvre de Balzac: « Durant des années et des années, [Rodin] a vécu tout entier dans cette figure. Il a visité le pays natal de Balzac, les paysages de Touraine. Il a lu sa correspondance. (...) et c'est lentement, de forme en forme, que grandit la vision de Rodin. Enfin il l'eut devant les yeux. Il vit un corps large au pas puissamment allongé qui perdait toute sa lourdeur dans la chute du manteau (...) C'est ainsi que Rodin a vu Balzac, en un instant de concentration prodigieux et de tragique exagération , et c'est ainsi qu'il l'a créé. La vision ne s'évanouit pas : elle se réalisa. (...) C’était la création elle-même, qui se servait de la forme de Balzac pour se manifester ; c’était la création dans son arrogance, son orgueil, sa griserie, son ivresse, »  écrit Rilke dans sa biographie de Rodin publiée en 1903.
Toutefois, Rodin ne put voir couronné son travail: après les réclamations pour les retards qu'avait accumulé l'artiste - la statue devait être livrée en 1893 - et les injonctions du commanditaire, Rodin livra le modèle en plâtre lors du Salon de la Nationale en 1898. L’œuvre fut très mal accueillie par une grande partie de la critique et par le public et fut refusée par la Société des gens de lettres, qui demanda aussitôt à Alexandre Falguière de remplacer Rodin au pied levé. Il s'en suivit un grand scandale. Zola, qui n'était plus à la tête de la Société des gens de lettres, avec d'autres personnages éminents, proposa de financer l'édification du monument en bronze à Paris. Rodin n'accepta aucun soutien car il craignait, à juste titre, de donner des marques de sympathie politique pour le camp des défenseurs de Dreyfus auquel appartenaient la plupart des mécènes.
Rodin considérait cette sculpture comme l’achèvement de son art. Après avoir vu les clichés réalisés par Edward Steichen il affirma: « Je ne me bats plus pour ma statue, elle sait se défendre elle-même. Si la vérité doit mourir, mon Balzac sera mis en pièces par les générations à venir. Si la vérité est impérissable, je vous prédis que ma statue fera du chemin. Cette œuvre dont on a ri, qu'on a pris soin de bafouer parce qu'on ne pouvait pas la détruire, c'est le résultat de toute ma vie. » Il eut raison: son monument fut finalement inauguré officiellement en 1939 à son emplacement actuel.

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Texte: Jean-Christophe Sarrot, Antonio Ca' Zorzi


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