En entrant dans Cour d'honneur du Palais Royal, vous vous trouvez immédiatement au milieu de multiples colonnes noires et blanches de toute taille, émergeant du sol comme des arbres qui poussent. Lorsqu’on se penche par-dessus les deux puits qui se trouvent dans la cour, on s’aperçoit que les colonnes se prolongent en sous-sol. Elles déterminent donc deux niveaux, d’où le titre de cette œuvre in situ :
Les deux plateaux. En 1986, sous la présidence de
François Mitterrand, le Ministère de la culture et de la communication, logé dans la galerie des proues du Palais Royal, commande une sculpture pour la cour intérieure à l’artiste
Daniel Buren. Cette œuvre sculpturale s’inscrit dans le cadre des grands projets de François Mitterrand, qui, dans les années 1980, souhaite transformer la ville musée en ville moderne en y introduisant l’art et l’architecture contemporains. Buren est membre fondateur du groupe BMPT (Buren, Mosset, Parmentier et Toroni), qui, dans l’esprit des années 1960, cherche à faire descendre l’œuvre d’art de son piédestal, à la sortir des musées et des galeries pour qu’elle aille à la rencontre du grand public. Art et vie doivent ainsi se confondre. Dans le cas idéal, le quotidien sera élevé au statut d’œuvre d’art et tout un chacun peut y être impliqué. Lorsqu’on porte le regard vers les fenêtres, on découvre que les stores en tissu sont rayés gris et blanc, identiques au dessin des colonnes. Buren voulait produire ainsi un effet éloigné de la subjectivité de l’artiste. Il s’agit donc avec ce motif d’une sorte de ready-made, selon le concept de
Marcel Duchamp, où l’objet préfabriqué est élevé au rang de l’œuvre d’art par simple choix de l’artiste et non pas par un geste créateur.
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La Galerie d'Orléans |
Mais pourquoi ces colonnes ? Lorsqu’on tourne son regard vers le jardin, on aperçoit deux rangées de colonnes qui relient les galeries de Valois et de Richelieu, et qui jadis formaient la magnifique galerie d’Orléans. Cette galerie marchande, en son temps couverte d’une élégante verrière, est l’œuvre de l’architecte de
Napoléon Bonaparte, Pierre
Fontaine, sur commande du duc d’Orléans, vers 1829, afin d’abriter des boutiques. De cette galerie, détruite en 1935, il ne reste que des colonnes.
La galerie d’Orléans est elle-même construite sur l’emplacement de deux anciennes galeries de bois, appelées galeries vitrées, qui étaient le prototype des galeries couvertes parisiennes. Comme elles étaient en très mauvais état, le duc décide de les détruire.
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Sphérades, de Pol Bury |
Mais revenons à Buren. L’artiste semble se moquer de la « folie des colonnes », colonnes qui sont envisagées par Fontaine dans la galerie d’Orléans comme symbole du pouvoir. Chez Buren, le pilier, qui jadis par sa force et sa stabilité soutenait les portails et les toitures, a perdu sa fonction. Il est devenu inutile, tout comme le pouvoir de la monarchie française qui s’est transformé en démocratie dans ce lieu même. Buren propose un parallèle entre le pouvoir de l’artiste et celui du spectateur. Là aussi, l’interaction s’est démocratisée. Il en va de même pour les deux fontaines cinétiques de
Pol Bury construite en 1985. Elles engagent le visiteur à s’approprier l’œuvre. Les sphères mobiles se balancent sur une nappe d’eau. Le spectateur est libre de les toucher et de les déplacer. L’art est à la fois un jeu, mais participe aussi des sciences, car en reflétant l’espace qui les entoure, ces sphères en miroir captent le macrocosme dans un microcosme.
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© Textes Ulrike Kaspers, Photos: Antonio Ca' Zorzi
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