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Victor Hugo aux Feuillantines

Début 2014 Blue Lion publiera un  nouveau guide dédié entièrement à Victor Hugo et Paris, un binôme indissoluble comme peu. Voici un aperçu du guide dont l'auteur, Patrick Maunand, organise des visites sur le thème: les détails sur ces visites se trouvent à la fin du texte.

Les vertes Feuillantines ont bercé l’enfance de Victor Hugo. Dans les restes de ce vieux couvent, il a joué avec ses deux frères : Je me revois enfant, écolier rieur et frais, jouant, courant, riant avec mes frères dans la grande allée verte de ce jardin où ont coulé mes premières années, ancien enclos de religieuses que domine de sa tête de plomb, le sombre dôme du Val-de-Grâce (Le Dernier jour d’un condamné). Et lorsque son frère Eugène (le plus proche en âge avec lui) meurt, brisé par la folie qui le tenaille depuis des années, Hugo prend la plume et se souvient des Feuillantines :

  […] Tu dois te souvenir des vertes Feuillantines,
Et de la grande allée où nos voix enfantines,
Nos purs gazouillements,
Ont laissé dans les coins des murs, dans les fontaines,
Dans le nid des oiseaux et dans le creux des chênes,
Tant d’échos si charmants! […]
                      (Les Voix intérieures, Renduel, 1837)

Parfois les enfants Foucher (Adèle et Victor) se mêlèrent à leurs jeux. Au début, les jeunes garçons sons sans pitié avec Adèle qui doit subir les sévices de ses compagnons. Mais, lorsque les Hugo reviennent habiter les Feuillantines en avril 1812, après un intermède en Espagne, Eugène et Victor prennent conscience de la beauté de la jeune Adèle : Il y a une jeune fille dans le solitaire jardin. La petite espagnole avec ses grands yeux et ses grands cheveux, sa peau brune et dorée, ses lèvres rouges et ses joues roses […]. La petite fille est devenue jeune fille. […] Et elle se mit à courir devant moi avec sa taille fine comme le corset d’une abeille et ses petits pieds qui relevaient sa robe jusqu’à mi-jambe […] Je l’atteignis près du vieux puisard en ruine […] et je la fis asseoir sur un banc de gazon […] nos têtes se touchaient, nos cheveux se mêlaient, nos haleines peu à peu se rapprochèrent, et nos bouches tout à coup. (Le Dernier Jour d’un condamné, Gosselin, 1829)
C’est dans ce vieux couvent  aussi qu’il a rêvé de liberté et d’aventures auprès de son parrain, le général Lahorie qui vivait caché au fond du jardin des Feuillantines. Quel choc émotionnel pour le jeune poète en herbe lorsque la police de l’Empereur viendra arrêter le général, un soir de décembre 1810. Mis au secret, il sera libéré en octobre 1812, juste le temps pour lui de participer au complot Malet et d’être exécuté une semaine plus tard, le 29 octobre. Mort, le général symbolisera alors aux yeux de Victor Hugo la liberté qu’il défendra plus tard contre vents et marées : Ce n’est pas vainement que j’ai eu, tout petit, de l’ombre de proscrit sur ma tête, et que j’ai entendu la voix de celui qui devait mourir dire ce mot du droit et du devoir : Liberté (Le Droit et la Loi, Actes et Paroles I, Avant l’exil).
Et puis enfin, aux Feuillantines, dans les restes du couvent, le jeune Victor découvre la Bible, ce merveilleux livre qui l’initie à la prière et au divin :
Nous montions pour jouer au grenier du couvent.
Et là, tout en jouant, nous regardions souvent
Sur le haut d'une armoire un livre inaccessible.

Nous grimpâmes un jour jusqu'à ce livre noir ;
Je ne sais pas comment nous fîmes pour l'avoir,
Mais je me souviens bien que c'était une Bible.

Ce vieux livre sentait une odeur d'encensoir.
Nous allâmes ravis dans un coin nous asseoir.
Des estampes partout ! quel bonheur ! quel délire!
(Aux Feuillantines, Les Contemplations, Hetzel, 1856)

Avant de quitter "les vertes Feuillantines", laissons la parole à George Sand qui vint habiter au 97, rue des Feuillantines (aujourd’hui le 90, rue Claude Bernard) dans les années 1860. La nouvelle habitante du quartier a alors une pensée pour le vieux poète toujours en exil :
Hélas ! je regarde souvent par ma fenêtre les vestiges de ces jardins des Feuillantines où vous avez été élevé et où l’on a bâti des maisons neuves. On a respecté de vieux murs couverts de lierre. Des arbres qui vous ont prêté leur ombre, quelques-uns sont encore debout, me dit-on. L’hiver les dépouille à cette heure, et je ne sais où se sont réfugiés les oiseaux. Rien ne chante plus dans ce coin qui abrita et charma votre enfance. Au dehors, dans les vallons mystérieux qu’on trouve encore non loin de Paris, la gelée a mordu les ramées. Il n’y a plus d’autres chansons des bois que le grésillement des feuilles tombées que le vent balaie. Dans les rues, il n’y a plus de chansons non plus.  (Nouvelles lettres d’un voyageur. Lettre II, Calmann-Levy, 1877)

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Patrick Maunand (Paris, le 4 novembre 2013)


Pour les amoureux du poète, pour les amoureux du verbe, j’animerai une promenade littéraire sur « la jeunesse de Victor Hugo autour du jardin du Luxembourg », le jeudi 7 novembre. Il y sera bien entendu question des vertes Feuillantines…
Pour les amateurs, rendez-vous à 14h30 devant le 8 de la rue des Feuillantines ce jour-là.
Réservation obligatoire au : 01 40 50 30 95 – 06 88 73 57 42 – patrick.maunand@orange.fr

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