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Publication de la Loi martiale |
Quand la nouvelle parvient à l’Assemblée, elle est tout aussi déformée mais en sens contraire : les deux vicieux sont devenus « deux bons citoyens qui recommandaient au peuple le respect des lois et qui ont été massacrés pour ça. » Un décret est pris sur le champ contre les pétitions et la presse « extrémiste ». A l’Hôtel de Ville, le corps municipal proclame la loi martiale et décide de poursuivre sa séance à l’École militaire, derrière nous. La suite est assez confuse. Au soir, du côté du pont de bois et de l’arc de triomphe, on distingue dans la poussière soulevée par les canons et la cavalerie, le cheval blanc de La Fayette et, à côté de Bailly, le maire, le drapeau rouge de la loi martiale ; une seconde colonne débouche au galop par la grille de la rue Saint-Dominique, à la hauteur de l’autel. Des mottes de terre, des cailloux sont lancés en même temps que les cris : A bas le drapeau rouge ! A bas les baïonnettes ! Une première salve leur répond, en l’air ; une deuxième suit aussitôt sans plus de sommations et la mitraille découpe la boule humaine agglutinée sur l’autel de la patrie, qui s’épluche par copeaux dans le jus rouge du sang. Les rescapés fuient éperdument vers nous devant les sabots et les sabres levés ; les bataillons des Minimes, de Saint Roch, de la Halle, en faction devant l’École militaire, leur ouvrent leurs rangs et menacent de la baïonnette les cavaliers qui voudraient continuer de les poursuivre. De 10 à 400 pétitionnaires et badauds sont tombés sous le feu. Bailly le paiera de l’échafaud sur les lieux mêmes du crime, deux ans et demi plus tard ; La Fayette de l’exil.
La fin d'un monde
Attardons-nous encore un an au même endroit: le 14 juillet 1792, Marie-Antoinette est au balcon de l’École militaire, le roi vient d’en sortir, elle a obtenu qu’il porte sous son habit brodé un gilet à l’épreuve des lames. Sur l’esplanade, aux pieds de la reine, 83 tentes, chacune plantée d’un peuplier garni de banderoles tricolores, représentent les départements. A gauche de l’autel de la patrie, un arbre mort d’où pendent des couronnes et des mitres, des cordons bleus de l’ordre monarchique le plus illustre et des chapeaux cardinalices, bref tous les symboles de la féodalité ; le roi doit y mettre le feu. La reine suit sa marche dans une lunette… Mon Dieu ! la tête poudrée vient de s’engloutir dans la masse des représentants qui se referme sur elle. Frappé ? Poignardé ? Le gros roi n’a que trébuché, il se redresse et va prononcer le serment civique. Il décline l’invitation à enflammer l’arbre aux pendeloques : « C’est inutile, la féodalité n’existe plus. » Louis XVI s’insère entre ses gardes et rejoint l’École militaire.
La fête de l’Être Suprême
Dernier épisode de ce côté de l’esplanade, la fête de l’Être Suprême du Décadi 20 Prairial an II, soit le dimanche 8 juin 1794 du calendrier grégorien, également dimanche de Pentecôte du calendrier liturgique. Selon le calendrier républicain, qui fait débuter l’année à l’équinoxe d’automne, Louis XVI a été guillotiné l’an I et Marie Antoinette l’an II.
Depuis le 18 Floréal, et par décret, « Le peuple français reconnaît l’existence de l’Être suprême et l’immortalité de l’âme. » (Art. 1er.) Le 16 Prairial, Robespierre a été porté à la tête de la Convention ; c’était lui donner du même coup le rôle du grand pontife dans la célébration à venir, fixée par l’article 15 du même décret et confiée pour le faste au peintre David. Les ennemis de l’Incorruptible espéraient lui faire révéler ainsi aux yeux de tous ses aspirations césariennes.
Le cérémonial, commencé aux Tuileries, va culminer ici : arrive par l’avenue de l’École-de-Mars, précédée de musiques et de tambours, la Liberté parmi une gerbe de blé, un arbrisseau et quantité d’instruments aratoires, sur un char tiré par quatre paires de bœufs aux cornes dorées. La Convention lui fait escorte. Un ruban tricolore ceinture le tout, porté par des enfants enguirlandés de violettes, des jeunes gens et jeunes filles aux ornements de myrtes, des hommes dans la force de l’âge parés de feuilles de chêne et des vieillards agrémentés de pampres, tous choisis au sein des 48 sections de Paris. Le cortège passe sous un arc de triomphe isocèle, en forme d’équerre ou de niveau de maçon, et les Conventionnels vont prendre place sur le soubassement à degrés d’un temple antique factice, en avant de l’École militaire.
Fête de l'Être Suprême |
La fête de l'Être Suprême |
Halter & Wilmotte, Le mur pour la paix |
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Texte: Alain Rustenholz, pour Blue Lion Guides (© 2012)
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