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Balzac: la rue d'Autruche

Victor -  Plan de Paris 1550 (détail)
Dans son roman Sur Catherine de Médicis, Balzac nous livre des fresques bien détaillées, bien que pas toujours précises, de la ville de Paris au XVIe siècle. Nous reproduisons ici la description qu'il fait de la Rue de l'Autruche, qui liait la Rue Saint-Honoré aux quais de Seine, en passant entre l'hôtel de Bourbon et le vieux Louvre d'Henri II. La scène se réfère à la sortie nocturne que Charles IX entreprend avec trois de ses courtisans pour aller voir son amante et épier dans le même temps le parfumeur René qui était soupçonné d'être de mèche avec Cosme Ruggieri, un des fidèles Italiens de Catherine de Médicis.

Voici le texte balzacien:
Pour rendre cette scène de nuit plus intelligible à ceux qui n' auraient pas présente à l' esprit la topographie du vieux Paris, il est nécessaire d' expliquer où se trouvait la rue de l' Autruche . Le Louvre de Henri II se continuait au milieu des décombres et des maisons. À la place de l'aile qui fait aujourd'hui face au Pont - des - Arts, il existait un jardin. Au lieu de la colonnade, se trouvaient des fossés et un pont - levis sur lequel devait être tué plus tard un Florentin, le maréchal d' Ancre.
Truchet-Houyaux - Carte de Paris en 1552 (détail)

Au bout de ce jardin, s' élevaient les tours de l' hôtel de Bourbon, demeure des princes de cette maison jusqu'au jour où la trahison du grand connétable, ruiné par le séquestre de ses biens qu' ordonna François 1er pour ne pas prononcer entre sa mère et lui, termina ce procès si fatal à la France, par la confiscation des biens du connétable.  Ce château , qui faisait un bel effet sur la rivière, ne fut démoli que sous Louis XIV. La rue de l'Autruche commençait rue Saint - Honoré et finissait à l'hôtel de Bourbon sur le quai.  Cette rue nommée d'Autriche sur quelques vieux plans, et aussi de l'Austruc , a disparu de la carte comme tant d'autres. La rue des Poulies dut être pratiquée sur l'emplacement des hôtels qui s'y trouvaient du côté de la rue Saint - Honoré.

Les auteurs ne sont pas d'accord sur l'étymologie de ce nom. Les uns supposent qu'il vient d' un hôtel d'Osteriche (Osterrichen) habité par une fille de cette maison qui épousa un seigneur français au quatorzième siècle. Les autres prétendent que là étaient jadis les volières royales où tout Paris accourut un jour voir une autruche vivante. Quoi qu'il en soit, cette rue tortueuse était remarquable par les hôtels de quelques princes du sang qui se logèrent autour du Louvre. Depuis que la royauté avait déserté le faubourg Saint Antoine, où elle s'abrita sous la Bastille pendant deux siècles, pour venir se fixer au Louvre, beaucoup de grands seigneurs demeuraient aux environs.


Comme on pourra le constater en regardant les deux cartes de la zone, les cartographes du XVIe siècle ne s'accordaient pas sur l'emplacement (ni sur le nom) de la rue d'Autruche. En effet de ces deux cartes la deuxième est celle qui correspond le plus à l'emplacement original de la rue. Celle-ci coïncide en partie, selon certains auteurs*, avec le tracé moderne de la rue de l'Oratoire. Dans cette même rue, Dumas plaçait le dortoir des Quarante-cinq.

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* Jeanine Guichardet, Balzac "archéologue" de Paris, 1986, et Nicole Cazauran, Catherine de Médicis et son temps dans la Comédie humaine, 1976.

Honoré de Balzac, Sur Catherine de Médicis,  Collection La Pléiade, vol. XI, page 394 et suiv., éditions Gallimard, 1980

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