« A
nous deux, maintenant ! » Apostrophe lancée à la capitale en 1820
par Rastignac.
Balzac est – avec le Hugo des Misérables –
le romancier qui donne les plus saisissantes descriptions du Paris de la
première moitié du XIXe siècle. C'est à ses yeux la cité qui accueille et
héberge toutes les ambitions de la bourgeoisie portée au pouvoir par 1789. Des
ambitions vouées le plus souvent à l'échec, sauf pour Eugène-Louis de Rastignac, principal personnage de La Comédie humaine, qui deviendra
comte, pair de France et ministre de la Justice.
Vers 1834, alors qu'il écrit Le Père Goriot,
Balzac a une intuition qu'aucun autre écrivain n'avait eue avant lui :
faire réapparaître ses personnages d'un roman à l'autre afin d'embrasser des
centaines de destins qui, tous réunis, donneront l'image de la société
française qui s’est perdue en 1789 en accordant tous les droits à l’individu et
en délaissant l’autorité, la morale et la religion. Telle est la vision de
Balzac, qui appelle de tous ses vœux le retour des Bourbons au pouvoir.
La Comédie humaine
compte 2000 personnages, dont environ 600 sont récurrents. Rastignac y apparaît
à vingt-six reprises. Juste après avoir enterré le père Goriot en février 1820
au cimetière du Père-Lachaise, il se jure à lui-même de ne jamais mourir comme
le vieil homme qui a été dépouillé et abandonné par ses proches.
Du bas au haut de
l'échelle sociale, les personnages de la Comédie humaine pratiquent tous
les métiers et habitent dans les différents quartiers de la capitale, à
l'exception notable des quartiers très populaires que Hugo décrit dans Les
Misérables ou Eugène Sue dans Les Mystères de Paris (Balzac n'a pas
cette connaissance et cet intérêt pour le tout petit peuple).
L’auteur de La
Comédie humaine a habité lui-même à une dizaine d'adresses parisiennes,
sans compter les logements d'amis – et surtout d'amies – qui l’accueillent afin
d’égarer les recherches des créanciers et des huissiers. En effet, l'écrivain
ne paie pas toujours ses dettes et ne respecte pas ses obligations d'effectuer
son service régulier à la Garde nationale.
Balzac possède
ainsi une connaissance intime de la capitale qui, liée à son sens de
l'observation, lui permet de choisir précisément l'endroit où chacun de ses
personnages va vivre. Il le dit lui-même : « À Paris, il en est des appartements et des maisons comme des
rues, elles ont des prédestinations »[1].
Paris est alors
plus petit qu'aujourd'hui, contenu par l’enceinte des Fermiers généraux
construite peu avant 1789. Ses limites sont au sud le boulevard Saint-Jacques,
à l'ouest le boulevard de Grenelle, à l'est le boulevard de Charonne et au nord
le boulevard de Rochechouart.
La numérotation des
rues a débuté en 1805, ce qui permet de situer les lieux plus précisément
qu'auparavant, lorsque l'on en était réduit à prendre comme points de repère
les églises, les marchés, les bornes ou les hôtels de la noblesse.
Notre première
balade balzacienne (voir le parcours) va nous emmener dans un quartier dont beaucoup de rues ont
conservé un air des siècles passés : le Quartier latin, et plus
précisément, dans la terminologie qui durera jusqu'à l'agrandissement de la
capitale en 1860, les quartiers de la Monnaie, de la Sorbonne, Saint-Jacques et
de l'Observatoire.
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