Antonio Ca’Zorzi,
historien de formation, créateur du site Blue Lion – Mobile Tours, guides
touristiques pour visites thématiques.
De quelle manière vous
est venue l’idée de créer des applications touristiques ? Pouvez-vous nous
parler plus particulièrement de votre projet d’application pour
Paris : comment est né ce projet ? Depuis combien de temps y
travaillez-vous ?
Je ne suis pas un
technologue mais j’ai toujours été intéressé par l’usage de la technologie dans notre vie quotidienne. Les
nombreux projets que j'ai financés et suivis lorsque j'étais responsable des
programmes de technologie pour les PME en Amérique Latine, m’ont permis d’être
en lien avec la technologie et de savoir ce qui fonctionnait ou ne fonctionnait
pas dans ce domaine.
Quand je suis
arrivé à Paris en 2008, ma première envie était de faire une promenade sur la
Révolution Française. En cherchant sur Amazon ou dans les commerces, j’ai été
déçu de ne rien trouver sur ce sujet.
Un soir, en 2010,
j’ai discuté avec une amie du Brésil et je lui ai dit que je désirais construire
un projet dans le domaine culturel en rapport avec la technologie. En voyant
les gens avec leur Smartphone, je me suis dit que j’avais trouvé quelque chose.
En 2011, après
plusieurs recherches personnelles, j’ai commencé à développer l’idée. Cela fait
donc un an que je travaille sur cette application. Assez tôt, j’ai tenté de
trouver des partenaires technologiques. Avec eux, on a cherché à savoir ce qui
était essentiel et ce qui ne l’était pas. La première chose que l'on a écartée,
c’est la réalité augmentée. En observant les autres applications du marché, je
me suis dit que la réalité augmentée n’était pas ce qu’il fallait pour mon
application. Ici, je parle de la réalité augmentée utilisée pour indiquer les
noms et la direction géographique des restaurants, entre autres exemples. Pour
moi, ces résultats sont inutilisables. C’est important de donner des conseils
sur des restaurants ou des cafés où le visiteur peut s’arrêter, mais la réalité
augmentée n’apporte pas grand chose pour cela. Cependant, peut-être que d’autres
utilisations de cette technologie seront possibles et intéressantes comme le
fait de pouvoir voir un monument comme il était dans le passé.
Après, on ne
voulait pas copier tout le monde. En général, ceux qui veulent créer un guide
écrivent peu ou se contentent de renvoyer vers un lien Wikipédia, ce qui est assez
pauvre. Nous, nous voulions transmettre un savoir, un peu comme un guide
physique le ferait en se promenant avec un groupe de visiteurs. Finalement,
cette application n’est pas très éloignée d’une visite guidée. Je dirais que
c’est un complément. L’un ne concurrence pas l’autre, il ne s’agit pas du même
type de visite.
De plus, on ne
cherche pas non plus à faire comme un guide classique, je pense au guide vert
Michelin. C’est un guide rassurant, on sait qu’il pourra nous dire quel est ce
monument ou quel est cet endroit. La plupart des guides sur téléphone portable
font ça. C’est bien mais nous, notre approche est différente. Nous nous
adressons à un public qui recherche une histoire, qu’elle soit littéraire,
artistique, historique ou révolutionnaire et même tous ces thèmes à la fois car
tout se mélange. L’idée est que le visiteur ait une vraie envie de faire une
promenade et qu’il puisse ouvrir les yeux sur la ville qui l’entoure. Pour
cela, il est important de développer les personnages historiques pour susciter
l’intérêt, la curiosité. Alors seulement, on proposera des liens vers Wikipédia
si le visiteur désire approfondir quelques points.
Dans nos guides, on
accorde beaucoup d’importance à l’image et à l’audio. Si les auteurs ne veulent
pas lire leurs textes, on les fait lire par des comédiens.
Aujourd’hui, on
commence avec Paris mais j’ai déjà des contacts pour Rome. Pour le moment, la
première version pour Paris n’est pas encore prête. Elle devrait être
disponible à partir de fin mars. Nous espérons sortir la deuxième version vers
avril/mai. En un an, nous planifions une vingtaine de guides pour Paris.
A partir de la
deuxième version, on envisage de créer notre plateforme de gestion de contenus
au départ de laquelle nous allons générer automatiquement des applications.
Pour chaque guide correspondra un logiciel qu’on téléchargera gratuitement sur
son téléphone. C’est dans ce logiciel que seront présents les catalogues de
guides. Les visiteurs pourront même y télécharger des plans indépendants sans
forcément payer.
Nous touchons un
public de parisiens qui voudraient (re)découvrir leur ville. Nous n’excluons
pas le public étranger, d’ailleurs, certaines applications seront traduites
dans différentes langues.
Vous avez fait appel aux
responsables des sites « Terres d’écrivains » et « Paris
révolutionnaire ». Pourquoi ? Sont-ils les contributeurs
principaux ? Y en a-t-il d’autres ?
Nous sommes
quelques contributeurs, une petite dizaine tout au plus dont Philippe Boisseau, qui anime le site Paris révolutionnaire.
Nous entretenons également des contacts avec le Louvre ou la bibliothèque de
l’Arsenal. Parmi les auteurs certains sont issus du milieu littéraire – comme Jean-Christophe Sarrot, animateur de Terres d'écrivains – d'autres non.
On donne une grande
importance au point de vue de l’auteur, à ses anecdotes. On met d’ailleurs à
disposition dans l'application une petite page avec photo relative à chaque auteur.
Quelle est la place de la
littérature dans votre application ? Selon vous, est-ce viable de
créer une application exclusivement littéraire ou faut-il mélanger la
littérature avec d’autres domaines artistiques ou historiques ?
La partie
littéraire de l’application est très importante pour Paris.
Il y aura des
parcours exclusivement littéraires comme un parcours sur la vie et les œuvres
de Balzac que Jean-Christophe Sarrot est en train de créer. Ce sera donc des
parcours à la fois sur la vie de l’écrivain et sur ses romans.
D’un autre côté, la
littérature sera intégrée dans un cadre plus large dans d’autres applications
comme par exemple une promenade à Montparnasse où on parlera des écrivains et
des artistes en général, qu’ils soient peintres ou musiciens. Il y a une
dimension qui sort du strict domaine littéraire, forcément.
L’application sera-t-elle
payante ou gratuite ? Comment l’avez-vous financée ?
L’application sera
payante. Le prix dépendra du nombre de parcours dont chaque guide disposera. Si
le guide comporte un parcours, le prix pourra être environ de 4 euros. S’il y
en a plus, cela pourrait monter à 6 euros.
Pour le moment, je
suis le propre financeur de mon projet, j’ai crée à ce propos une société et ai
constitué mon propre capital. Nous n'avons pas recouru à des financements publiques pour maintenir notre plan de développement et arriver sur le marché le plus tôt possible.
Ensuite, je compte
faire connaître mon application via les revues historiques, littéraires et
artistiques et évidemment par le bouche-à-oreille.
Existera-t-il un aspect
participatif dans votre projet (forum sur internet, possibilité pour les
visiteurs de donner leurs avis) ?
J’ai vu d’autres
applications qui laissaient la possibilité de commenter. J’ai trouvé que ça
n’apportait pas beaucoup à la qualité du travail. Par contre, je préfère parler
de l’application sur les réseaux sociaux, sur le web en général et non sur le
site de l’application.
Selon vous, la réalité
augmentée n’est donc pas une technologie intéressante pour votre
projet ?
J’y ai pensé mais
pour le moment je ne trouve pas que ce soit pertinent. Mais il est vrai que
pouvoir superposer des images anciennes sur un bâtiment moderne pourrait être
intéressant.
On a choisi de ne
pas mettre de la réalité augmentée car on trouve que c’est encore
« tape-à-l’œil ». Ce qui prime pour nous, c’est le contenu et non les
effets technologiques. Il ne faut jamais faire la technologie pour la
technologie. Si on intègre des contenus technologiques trop complexes, on
risque de créer de la confusion chez le lecteur. Il y a des applications
vraiment magnifiques mais quand on lit les commentaires, on voit que les gens
ne savent pas comment les utiliser. Il faut que la technologie résolve des
problèmes, pas qu’elle en crée.
Mais je n’exclue
pas à tout jamais la réalité augmentée s’il y a une utilisation intelligente
qui puisse vraiment aider dans le suivi d’un parcours. Il faut y aller
progressivement, que les gens s’habituent. De toute manière, ce projet se
développe sans cesse avec des améliorations de contenus.
Quelles sont vos
perspectives d’avenir ?
La prochaine étape sera
une application touristique pour Rome. Nous avons déjà des contacts là-bas avec
l’équivalent de l’Académie française, l'Accademia Nazionale dei Lincei, et son Centro di Studi sulla Cultura e l'Immagine di Roma. Il y aura également des contenus
littéraires pour la capitale italienne, mais ce sera forcément moins que pour
l’application parisienne. Paris a une dimension littéraire très forte.
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Propos recueillis par Karen Pignoux
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