Gertrude Stein, by Van Vechten (1935) |
Une petite halte à la rue de Fleurus à Montparnasse où s'établirent les frères Stein au début du XXe siècle.
L’écrivain et
mécène d’art moderne Gertrude Stein,
arrive des Etats-Unis peu de temps après son frère Léo, lui même peintre et critique d’art. En 1903, ils aménagent un
petit pavillon de deux étages, au numéro 23 de la rue de Fleurus, relié à un atelier qu’on atteint en traversant
la cour intérieure. D’abord Léo se servait de l’atelier pour ses propres
peintures, mais très vite, le pavillon se transforme en galerie d’art moderne,
car les mûrs se couvrent de tableaux que Léo et Gertrude achètent à la jeune
génération de peintres encore méconnus par un grand public. Ils dépensent tout
pour les peintres comme Picasso, Matisse, Gris, Braque qui font scandale
partout ailleurs. Ayant pris l’habitude d’inviter les artistes, les poètes et
écrivains de leur entourage, leur appartement devient rapidement salon mondain,
d’abord artistique durant les années 1910, puis littéraire durant les années
1920-1930. Dans un premier temps, c’est Léo qui mène les conversations, on aime
écouter ses théories sur l’art moderne, l’entendre expliquer les œuvres qui
semblent inexplicables.
Dans A Moveable Feast (titre français: Paris est une fête) publié posthume en 1964, Hemingway décrit le
despotisme de Gertrude et remarque son machisme : elle ne parlait qu’avec
les artistes et écrivains, tandis que sa compagne Alice devait se contenter de
parler aux épouses. En 1912, Gertrude rencontre Alice B. Toklas qui sera sa
compagne durant 30 ans. À cette époque Gertrude commence à se brouiller avec
son frère Léo, qui n’apprécie pas son style d’écriture (Portrait d’artistes, Les
Américains d’Amérique) et qui ne s’entend pas avec Alice. Il décide donc en
1913 de quitter Paris pour s’installer à Florence, emportant avec lui la moitié
de la collection qu’il a pu établir avec sa sœur. Il emporte les Renoir, Manet,
Toulouse Lautrec, quelques Matisse. Gertrude garde surtout les Picasso.
Dans
son livre, Hemingway décrit très bien l’atmosphère chaude et
confortable qui flottait dans l’appartement de l’auteur de The Making of Americans, où on servait des liqueurs naturelles de
fabrication maison. Rapidement, Hemingway devint un invité habituel. Avec
Gertrude, ils discutent de littérature, de leurs propres écrits. Hemingway se
passionne pour les tableaux de la collection des Stein : des Matisse, des
Picasso de la période rose et de la naissance du cubisme, quelques Cézanne, un
Renoir, un intérieur de Manguin, des tournesols de Gauguin, un nu de Vallotton,
Maurice Denis, Daumier. Gertrude
explique à l’écrivain le secret de sa collection : on devait collectionner
les artistes de son temps. Pour pouvoir se le permettre, il suffirait de ne
plus changer sa vieille garde-robe pour un certain temps.
Gertrude connaît la
gloire grâce à la publication de l’Autobiographie d’Alice B. Toklas. Dans
ce livre, elle décrit cette vie parisienne dans l’appartement de la rue de
Fleurus. Sa rencontre avec Picasso et Matisse. Ce dernier, lors d’un dîner,
apporta une statuette nègre, qu’il avait acheté dans le magasin de curiosité
d’Emile Heyman, boulevard Raspail. Il semble que Picasso la regarda toute la
soirée et, à la fin du repas demanda à Matisse de l’emprunter. De cette
expérience naîtront les premières esquisses des Demoiselles d’Avignon.
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Texte: Ulrike Kasper
© Blue Lion Guides, 2012
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