Depuis l'Hôtel Sully l'on peut accéder directement à la place des Vosges. Ainsi le Duc de Sully pouvait-il rejoindre cette toute première place royale, voulue par son cher Henri IV. Nous sommes encore frappés aujourd’hui par cette impression d’intimité mêlée d’harmonie…Je ressens comme un privilège de pouvoir la parcourir par ses arcades ou « à découvert »… C’est un des lieux les plus huppés de Paris où le prix du m2 atteint des sommets! Mais le Vert Galant l’avait souhaitée comme lieu de promenade, en un temps où Paris n’en possédait pas vraiment ; comme lieu de mise en scène également, le glorifiant, lui, le Roi. N’oublions pas qu’il inaugure une nouvelle lignée, celle des Bourbons. En effet, après les grands troubles des Guerres de Religion, il était nécessaire de sceller par la pierre les nouvelles priorités gouvernementales. Tout d’abord, le Roi cherche à se légitimer, il n’est que le cousin d’Henri III, et il ne faisait bien sûr, pas l’unanimité!
La construction de cette place est donc presque une œuvre de propagande royale. Son effet est spectaculaire de par sa rigueur et sa régularité; elle est rythmée de pierre blonde et de brique rouge. Le rez-de-chaussée est constitué d’arcades en plein cintre et de piles qui soutiennent le premier niveau. Les baies sont soulignées d’un chaînage de pierre d’un bel effet. Cette utilisation, dont le tout premier exemple parisien se trouve place de Fürstemberg, est bien entendu politique, la brique est bien moins chère que la pierre, et Henri IV souhaite redresser l’économie du royaume. Mais elle est esthétique aussi, car l’alternance des couleurs met en valeur sa structure. Ce carré de 36 pavillons s’élève sur trois niveaux. Deux pavillons au centre de la place se répondent : côté rue de Birague, au Sud, c’est celui du Roi ; d’ailleurs il nous regarde dans son médaillon sculpté au milieu de la façade. Côté rue des Francs-Bourgeois, c’est celui de la Reine. Pourtant aucun souverain n’habitera ces deux pavillons - Henri IV meurt avant que la place ne soit finie- mais leur prestige permettra de les louer fort cher, dès le départ. Ces niveaux sont surmontés d’une toiture d’ardoise en pavillon. Ses architectes présumés, Claude Chastillon (ingénieur du Roi) et Louis Métezeau, débutent sa construction en 1605 et ne l’achèveront qu’en 1612, soit deux ans après la mort du monarque. Il est possible que Jacques II Androuet du Cerceau soit intervenu aussi dans le dessin du plan.
Son patronyme actuel est un hommage napoléonien au département des Vosges, le premier à s’être acquitté de l’impôt envers le nouveau gouvernement. Ce lieu changera souvent de nom mais a toujours traversé le temps avec de prestigieux bâtiments.
En effet, dès le XIVe siècle, elle est l’emplacement de l’hôtel des Tournelles, résidence royale, où le roi Louis XII trouva la mort en se heurtant la tête à un linteau de porte. "Tournelles" est une référence aux multiples petites tours qui hérissaient l’édifice à la mode du gothique flamboyant. Ce fut aussi le cadre de grandes fêtes, comme celle de 1559 où un double mariage était célébré : Le roi Henri II mariait sa fille, Elisabeth de France au roi d’Espagne Philippe II, et sa sœur, Marguerite de France à Emmanuel-Philibert de Savoie. Un tournoi, organisé par le roi, a lieu, comme il en était coutume. Il aime jouter, et lors de l’un des combats avec le capitaine de sa garde écossaise, le Comte de Montgommery, il reçoit dans l’œil la lance du capitaine. C’est un drame pour tout l’entourage royal bien sûr! Le roi, qui reçoit le coup juste devant le futur hôtel de Sully, est transporté très vite aux Tournelles. Le célèbre médecin Ambroise Paré tente de l’opérer mais sans succès. Le Roi meurt et la reine Catherine de Médicis, profondément attachée à son époux, lancera dès ce jour la mode du noir pour le deuil (jusqu’alors, les reines portaient du blanc), couleur qu’elle portera jusqu’à sa mort.
L’hôtel des Tournelles tombe en disgrâce ; plus tard la reine ordonnera sa vente par parcelles (qui sert à financer l’édification des Tuileries). Il ne reste absolument rien de cet hôtel (mises à part quelques gravures).
Bien plus tard, sous la régence de Marie de Médicis, pour inaugurer la place royale, on célèbre cette fois de doubles fiançailles : le jeune louis Louis XIII avec Anne d’Autriche, et Elizabeth de France (une autre!), fille d’Henri IV, et Philippe IV d’Espagne. Le premier couple aura donc le futur Louis XIV, et l’autre, Marie-Thérèse d’Autriche. Les deux souverains de Versailles sont ainsi cousins germains –c’était fréquent!-.
Par la suite de prestigieux habitants occuperont la Place Royale :
- Le cardinal Richelieu, qui interdit les duels et qui se voit provoqué par le jeune Montmorency-Bouteville sous ses fenêtres même, ( décapité place de Grève, là où se trouve aujourd’hui la place de l’hôtel de ville, à deux pas) En effet, en 1637 le Cardinal Richelieu interdit les duels car cela décime l’aristocratie!
- Marion Delorme, une belle courtisane du XVII siècle, connue pour ses amours, y tient salon. Victor Hugo s’inspira du personnage dans son roman homonyme, Marion Delorme ;
- La marquise de Sévigné, écrivaine qui a donné son nom à la rue de Sévigné dans le quartier du Marais, y voit le jour ;
- Victor Hugo (dont on peut visiter la maison au N°12) y a rédigé une partie des Misérables. (C’est un comble en ces lieux!)
Et, plus près de nous, parmi d’autres :
- L’homme politique et ancien directeur du Fonds Monétaire International, Dominique Strauss-Kahn,
- L’actrice Annie Girardot, décédée en 2010
- Une autre actrice, celle-ci italienne, Claudia Cardinale
- L’acteur Sami Frey
- L’homme politique et ancien Ministre de la Culture sous la présidence de François Mitterrand, Jack Lang
Pendant la Révolution, elle devient place de l’Indivisibilité. On commence alors à renommer et à nommer les rues. Comme nous l’avons vu, elle devient place des Vosges pendant le consulat de Napoléon.
A la Restauration, on remplace l’ancienne statue de Louis XIII par celle-ci de Dupaty et Cortot (auteur du Triomphe de Napoléon sur l’Arc de triomphe)… Le tronc d’arbre qui sert de support à la statue l’alourdit quelque peu.
Cette place va en générer deux autres: la place Dauphine, et la place Ducale à Charleville-Mézières, réalisée pour le cousin de Henri IV.
Elle inspire aussi le pavillon central de Versailles, qui est réalisé dans les mêmes matériaux : pierre, brique, ardoise.
Cette belle place est un produit de la loi Malraux relative aux secteurs sauvegardés, et tous les bâtiments sont classés. La restauration date des années 70.
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Texte: © Françoise Gardian, Photos: Antonio Ca' Zorzi, Wikimedia.
La construction de cette place est donc presque une œuvre de propagande royale. Son effet est spectaculaire de par sa rigueur et sa régularité; elle est rythmée de pierre blonde et de brique rouge. Le rez-de-chaussée est constitué d’arcades en plein cintre et de piles qui soutiennent le premier niveau. Les baies sont soulignées d’un chaînage de pierre d’un bel effet. Cette utilisation, dont le tout premier exemple parisien se trouve place de Fürstemberg, est bien entendu politique, la brique est bien moins chère que la pierre, et Henri IV souhaite redresser l’économie du royaume. Mais elle est esthétique aussi, car l’alternance des couleurs met en valeur sa structure. Ce carré de 36 pavillons s’élève sur trois niveaux. Deux pavillons au centre de la place se répondent : côté rue de Birague, au Sud, c’est celui du Roi ; d’ailleurs il nous regarde dans son médaillon sculpté au milieu de la façade. Côté rue des Francs-Bourgeois, c’est celui de la Reine. Pourtant aucun souverain n’habitera ces deux pavillons - Henri IV meurt avant que la place ne soit finie- mais leur prestige permettra de les louer fort cher, dès le départ. Ces niveaux sont surmontés d’une toiture d’ardoise en pavillon. Ses architectes présumés, Claude Chastillon (ingénieur du Roi) et Louis Métezeau, débutent sa construction en 1605 et ne l’achèveront qu’en 1612, soit deux ans après la mort du monarque. Il est possible que Jacques II Androuet du Cerceau soit intervenu aussi dans le dessin du plan.
Son patronyme actuel est un hommage napoléonien au département des Vosges, le premier à s’être acquitté de l’impôt envers le nouveau gouvernement. Ce lieu changera souvent de nom mais a toujours traversé le temps avec de prestigieux bâtiments.
En effet, dès le XIVe siècle, elle est l’emplacement de l’hôtel des Tournelles, résidence royale, où le roi Louis XII trouva la mort en se heurtant la tête à un linteau de porte. "Tournelles" est une référence aux multiples petites tours qui hérissaient l’édifice à la mode du gothique flamboyant. Ce fut aussi le cadre de grandes fêtes, comme celle de 1559 où un double mariage était célébré : Le roi Henri II mariait sa fille, Elisabeth de France au roi d’Espagne Philippe II, et sa sœur, Marguerite de France à Emmanuel-Philibert de Savoie. Un tournoi, organisé par le roi, a lieu, comme il en était coutume. Il aime jouter, et lors de l’un des combats avec le capitaine de sa garde écossaise, le Comte de Montgommery, il reçoit dans l’œil la lance du capitaine. C’est un drame pour tout l’entourage royal bien sûr! Le roi, qui reçoit le coup juste devant le futur hôtel de Sully, est transporté très vite aux Tournelles. Le célèbre médecin Ambroise Paré tente de l’opérer mais sans succès. Le Roi meurt et la reine Catherine de Médicis, profondément attachée à son époux, lancera dès ce jour la mode du noir pour le deuil (jusqu’alors, les reines portaient du blanc), couleur qu’elle portera jusqu’à sa mort.
L’hôtel des Tournelles tombe en disgrâce ; plus tard la reine ordonnera sa vente par parcelles (qui sert à financer l’édification des Tuileries). Il ne reste absolument rien de cet hôtel (mises à part quelques gravures).
Bien plus tard, sous la régence de Marie de Médicis, pour inaugurer la place royale, on célèbre cette fois de doubles fiançailles : le jeune louis Louis XIII avec Anne d’Autriche, et Elizabeth de France (une autre!), fille d’Henri IV, et Philippe IV d’Espagne. Le premier couple aura donc le futur Louis XIV, et l’autre, Marie-Thérèse d’Autriche. Les deux souverains de Versailles sont ainsi cousins germains –c’était fréquent!-.
Par la suite de prestigieux habitants occuperont la Place Royale :
- Le cardinal Richelieu, qui interdit les duels et qui se voit provoqué par le jeune Montmorency-Bouteville sous ses fenêtres même, ( décapité place de Grève, là où se trouve aujourd’hui la place de l’hôtel de ville, à deux pas) En effet, en 1637 le Cardinal Richelieu interdit les duels car cela décime l’aristocratie!
- Marion Delorme, une belle courtisane du XVII siècle, connue pour ses amours, y tient salon. Victor Hugo s’inspira du personnage dans son roman homonyme, Marion Delorme ;
- La marquise de Sévigné, écrivaine qui a donné son nom à la rue de Sévigné dans le quartier du Marais, y voit le jour ;
- Victor Hugo (dont on peut visiter la maison au N°12) y a rédigé une partie des Misérables. (C’est un comble en ces lieux!)
Et, plus près de nous, parmi d’autres :
- L’homme politique et ancien directeur du Fonds Monétaire International, Dominique Strauss-Kahn,
- L’actrice Annie Girardot, décédée en 2010
- Une autre actrice, celle-ci italienne, Claudia Cardinale
- L’acteur Sami Frey
- L’homme politique et ancien Ministre de la Culture sous la présidence de François Mitterrand, Jack Lang
Pendant la Révolution, elle devient place de l’Indivisibilité. On commence alors à renommer et à nommer les rues. Comme nous l’avons vu, elle devient place des Vosges pendant le consulat de Napoléon.
A la Restauration, on remplace l’ancienne statue de Louis XIII par celle-ci de Dupaty et Cortot (auteur du Triomphe de Napoléon sur l’Arc de triomphe)… Le tronc d’arbre qui sert de support à la statue l’alourdit quelque peu.
Cette place va en générer deux autres: la place Dauphine, et la place Ducale à Charleville-Mézières, réalisée pour le cousin de Henri IV.
Elle inspire aussi le pavillon central de Versailles, qui est réalisé dans les mêmes matériaux : pierre, brique, ardoise.
Cette belle place est un produit de la loi Malraux relative aux secteurs sauvegardés, et tous les bâtiments sont classés. La restauration date des années 70.
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Texte: © Françoise Gardian, Photos: Antonio Ca' Zorzi, Wikimedia.
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