J'ai finalement pu visiter l'exposition "Matisse, Cézanne, Picasso... L'aventure des Stein" qui se tient au Grand Palais à Paris jusqu'au 22 janvier 2012. Vraiment très belle, avec un parcours bien pensé et un choix de tableaux judicieux. Parmi ceux qui ont attiré mon attention (et celui de Ulrike qui avait a eu l'amabilité de m'accompagner) ce tableau de Matisse, Le nu bleu (1907) qui marque en quelque sorte le début de la période fauviste de l'artiste. C'est un œuvre qui reprend le modèle classique du nu, décliné ici sur une surface qui semble être une couverture sur un lit de fleurs. Le tableau lui a été inspiré par son voyage à Biskra en Algérie en 1906. De retour en France, il le présente au Salon des Indépendants de 1907, mais l’œuvre est très mal accueillie par la critique.
Et pour cause, Matisse se sert ici d'un sujet classique pour mieux le transformer en quelque chose de complètement différent. Il se peut même qu'il ait choisit un modèle masculin (certain traits du visage et du corps semblent le confirmer). Mais en réalité peu importe car Matisse s’intéresse au sujet en tant que tel jusqu’à un certain point. Son but est de faire fondre le corps dans le décor du tableau. Comme l'a fait remarquer mon amie, la hanche, très déformée, suit le mouvement du palmier au dessus; de même certaines couleurs du nu se retrouvent dans le décor environnant la figure. Un petit détail m'a intrigué: la main gauche de la femme nue, celle qui repose par terre, est peinte avec une très grande délicatesse; avec ces long doigts et la courbe que forme la main, elle me fait penser à certaines mains des Madones de la Renaissance italienne et allemande. Un clin d’œil provocateur à la tradition? Ou lecture trop poussée de la part du visiteur?
Parmi ceux qui comprirent l'importance du tableau, le plus grand copiste du XXe siècle, Picasso. Celui-ci s'inspira entre autres du Nu bleu de Matisse pour peindre les Demoiselles d'Avignon. L'on perçoit communément la réponse de Picasso à l’œuvre de Matisse comme l’emblème du clivage entre deux écoles: celle cubiste, qui prône la forme et qui trouve en Picasso son chef de file, et celle des adeptes de la couleur, qui se reconnaissent dans l 'art de Matisse. Un clivage qui conduit Matisse à rompre avec Picasso pour quelques années. Ces relations difficiles entre artistes est à bien regarder une histoire qui n'est pas nouvelle dans l'histoire de l'art. Il suffit de penser au grands maîtres de la peinture italienne, en commençant par les diatribes entre Michel-ange et Raphaël, ou Bernin et Borromini.
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