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Paris ésotérique: la Tour Saint Jacques



Blue Lion Guides a publié un guide dédié au Paris ésotérique par Bruno et Frank La Brasca. Voici un extrait sur la Tour Saint Jacques. Le guide est accessible gratuitement à cette adresse.

Nous voici à présent au départ de la route empruntée par les pèlerins qui se rendaient à Compostelle évoqués par cet autre grand écrivain en vogue qu'est Paulo Coelho, auteur du Pèlerin de Saint Jacques et de L'Alchimiste.
L'église de Saint-Jacques-la-Boucherie avant la démolition,
Jean-François Garneray (1755-1837), 1784.


De l'autre côté de la rue de Rivoli, s'élève la fameuse Tour Saint Jacques construite entre 1508 et 1522, campanile de l'église de Saint-Jacques-la-Boucherie édifiée en 1060, aujourd'hui disparue (elle fut détruite en 1797) et véritable borne à la grande croisée des deux axes qui structurent le voyage même que nous entreprenons avec ce guide.


Cette tour est sans doute l'un des monuments des plus emblématiques du Paris ésotérique. Elle constitue aujourd'hui encore le point de départ du pèlerinage chrétien et initiatique vers Saint Jacques de Compostelle (campus stellarum-le champ des étoiles).
C'est à son sommet que le grand savant et écrivain  Blaise Pascal effectua ses mesures sur le mercure qui conduisirent à une meilleure connaissance de la pression atmosphérique.
vue de la Tour Saint-Jacques
depuis le boulevard Sébastopol, 1866 
Au pied de l'église Saint-Jacques se tenait aussi l'échoppe d'écrivain-juré de Nicolas Flamel.
Revenu immensément riche de Saint Jacques de Compostelle, maître Nicolas avait fait sculpter, au flanc nord de l'église,  un magnifique portail orné de sculptures ésotériques et où il s'était fait représenté en habit d'écrivain en compagnie de son épouse Dame Pernelle.
dessin du portail commandé par Nicolas Flamel,
à gauche, et sa femme, à droite.
Il se fit enterrer avec elle dans cette église et sa pierre tombale, miraculeusement retrouvée, peut aujourd'hui être vue au Musée de Cluny consacré au Paris médiéval et situé sur la rive gauche de la Seine.
Transporté depuis l'église de Saint-Jacques-la-Boucherie, ce bloc sculpté évoque dans sa partie supérieure St-Jacques de Compostelle car l'abbaye de Cluny était la première halte des pèlerins qui s'engagaient sur cette route sacrée et comporte une inscription qui rappelle les nombreuses œuvres de charité accomplies par l’alchimiste de son vivant :

FEU NICHOLAS FLAMEL IADIS ESCRI
VAIN A LAISSE PAR SON TESTAMENT A
LEUVRE DE CESTE EGLISE. CERTAINES
RENTES ET MAISONS QUI AVOIT
ACQUESTES, ET ACHATES A SON VI
VANT. POUR FAIRE CERTAIN SERVICE
DIVIN. ET DISTRIBUTIONS D'ARGENT
CHASCUN AN. PAR AUSMONE TO
CHANS LES QUINZE VINS. LOSTEL DI
EU ET AUTRES EGLISES ET HOSPITAUX A PARIS.
SOIT PRIE POUR LES TREPASSEZ

Le haut de la Tour, qui sert de station météorologique, est décoré par quatre statues représentant les évangélistes, surplombées par un majestueux Saint-Jacques.
Gustave Doré (1832-1883),
la mort de Gérard de Nerval - rue de la vieille lanterne, 1855
Dans le jardin attenant, se trouve aujourd'hui une pierre sur laquelle sont gravés les deux premiers quatrains du sonnet de Gérard de Nerval, grand initié s'il en fut, intitulé El Desdichado,  car c'est à cet emplacement précis qui était à l'époque celui dune ruelle malfamée que le grand poète illuminé fut retrouvé mystérieusement pendu :

Je suis le ténébreux, le veuf, l'inconsolé
Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie
Ma seule étoile est mort et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du Tombeau, Toi qui m'as consolé
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé
Et la treille où le Pampre à la rose s'allie.


En lisant ces vers, comment ne pas penser à la Tour qui s'élève au-dessus de nous, quelques mètres plus loin et ne pas imaginer quelque secret à exhumer de l'œuvre littéraire de Nerval ?
La Tour et ses environs semblent particulièrement stimuler l'imagination des poètes, puisque dans l'Amour fou d'André Breton, on peut lire cette splendide évocation de ces mêmes lieux :

J'étais de nouveau près de vous, ma belle vagabonde, et vous me montriez en passant la tour Saint-Jacques sous son voile pâle d'échafaudages [à l'époque où furent écrites ces lignes, c'est-à-dire dans les années '30 du siècle dernier, la Tour était encore en cours de restauration et allait le rester fort longtemps. Aujourd'hui on peut la contempler dans la nudité et la blancheur des enduits et de la chaux qui l'ont lavée des flétrissures du temps]  qui, depuis des années maintenant, contribue à en faire le grand monument du monde à l'irrévélé. Vous aviez beau savoir que j'aimais cette tour, je revois encore à ce moment toute une existence violente s'organiser autour d'elle pour nous comprendre, pour contenir l'éperdu dans son galop nuageux autour de nous :
A Paris la tour Saint-Jacques chancelante
Pareille à un tournesol
Ai-je dit assez obscurément pour moi dans un poème, et j'ai compris depuis que ce balancement de la tour était surtout le mien entre les deux sens en français du mot tournesol, qui désigne à la fois cette espèce d'hélianthe, connue aussi sous le nom de grand soleil et le réactif utilisé en chimie, le plus souvent sous la forme d'un papier bleu qui rougit au contact des acides.
André Breton, L'amour fou, 1937,  Paris, 1988, p. 69-70. 

En quittant le square Saint Jacques par sa sortie sud-ouest, on débouche sur la place du Châtelet, où il sera loisible de faire une seconde halte restauratrice au café « Sarah Bernhardt », nommé d'après la célèbre comédienne, d'où on peut encore contempler la Tour mais aussi découvrir sur la place la Fontaine du Palmier  qui nous rappellera  à nouveau l'empreinte égyptienne que nous avons déjà rencontrée au siège de l'A.M.O.R.C. de la rue Saint-Martin.
De là, qui sait ? Nous pourrons peut-être repartir pour de nouveaux itinéraires dans ce Paris « du rêve et de l'enchantement ».

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