Le Palais-Royal était un haut lieu de culture (théâtres, opéra, libraires), fréquenté par le beau monde et les grands philosophes (Diderot, Rousseau, etc.). Des événement importants y eurent lieu, notamment l'émeute du 10 juillet 1889 qui précéda la prise de la Bastille. Quelques années plus tard, Napoléon y rencontra sa future épouse Marie Josèphe Rose Tascher de La Pagerie, dite Joséphine de Beauharnais, alors amante de Paul Barràs. Mais les lieux inspiraient aussi d'autres affairements un peu moins avouables: au XVIIIe siècle et au tournant du XIXe siècle le Palais-Royal était la citadelle de la vie nocturne et de la débauche parisienne. Le guide complet du Palais-Royal publié par Blue Lion Guides est disponible gratuitement ici.
Au XVIII et XIX siècle, en passant par la Révolution, le Palais Royal était le haut-lieu de la galanterie parisienne. D'abord sous l'Ancien Régime, les activités étaient hors la porté de la police car le Palais était un domaine royal auquel ne pouvaient pas accéder les forces de l'ordre. Le voisinage avec la Comédie française, reconstruite par le futur Philippe Égalité, le cousin d'Orléans du roi qui en vota la mise-à-mort, qui était propriétaire du domaine, et d'autres salles de spectacles du Palais-Royal et proches des boulevards, assurait la vie nocturne du quartier: tout se beau monde qui sortait du théâtre devait quand-même se divertir dans les cafés ou « boutiques » des alentours! Il y avait aussi des espaces consacrés aux jeux, autre activité interdite, des cafés et d'autres commerces.
Sous la Révolution tout changea... sauf la galanterie. Au Palais Royal, qui n'était plus royal du tout et s'appelait désormais « Palais Égalité » ou encore « Maison Égalité », on comptait, selon une brochure de 1790, mille cinq cent filles « bien habillées et bien pomponnées » qui y guettaient jour et nuit leur clients, que on surnommait les « pigeons ». Si quelques unes « raccrochaient » sans ouvertement, d'autres se cachaient derrière des boutiques qui prétendaient vendre des gants, du tabac, ou des bonbonnières. La Révolution essaye de moraliser les lieux mais sans succès. Selon Clyde Plumauzille*,
Les mœurs et les filles du Palais-Royal seront décrites par Louis-Sébastien Mercier et Rétif de la Bretonne qui lui dédia un livre « Aux filles de l'allée des soupirs » avec des portraits de 32 prostituées. Un auteur anonyme publiera une La liste et complète des plus belles femmes publiques du Palais (1793). Le commerce sexuel se fait à la vue de tous, sans retenue et peut-même être consommé en plein air, dans le jardin. « Les bancs installés le long des allées de ces jardins offrent en effet la
possibilité d’effectuer des actes sexuels rapides et relativement
discrets à la nuit tombée.»*
À l'époque de la Révolution le commerce s'appuyait aussi sur les boutiques des galeries qui vendaient des articles de mode, du tabac, etc, mais dont la véritable vocation était bien autre. « Le Palais-Royal, c'est le lieu où les filles de boutique se font putains, et le putains se font filles de boutiques », écrivait-on dans un pamphlet anonyme.
Un rapport de 1802 du ministre de la Police Joseph Fouché énumère trente mille filles publiques à Paris. Deux ans plus tard, sous Napoléon, la préfecture légalise officiellement les maisons de tolérance. Il y en aura 180 en 1809 et 200 en 1840! Pourtant le raccrochages dans les lieux publiques était encore très pratiqué. En 1815 Jean-François-Pierre Déterville montre du doigt dans un pamphlet les mœurs indécents des habitués du Palais-Royal (redevenu Royal après la chute de Napoléon):
Ce n'est que à partir de 1830 que le Palais-Royal commence à perdre son aura de lieu de perdition : sous Louis-Philippe la prostitution y est officiellement bannie et se déplace peu à peu vers les boulevards.
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Le Palais-Royal constitue par ailleurs un territoire de consommation sexuelle où la prostitution côtoie le commerce d’ouvrages pornographiques et les spectacles érotiques : cette concentration et cette spécialisation, uniques dans la capitale, en font une zone de tolérance du commerce du sexe, qui semble profiter des bouleversements politiques et sociaux de la décennie. De fait, la moralisation de l’espace public souhaitée par les révolutionnaires et concrétisée par un arrêté de la Commune de Paris le 4 octobre 1793 contre le raccrochage des « femmes de mauvaise vie » dans les lieux publics et la vente d’ouvrages obscènes a échoué à impulser la reprise d’une politique prohibitionniste en matière de prostitution et à mettre un terme à l’économie sexuelle du Palais-Royal.L'activité sexuelle y était frénétique: des spectacles érotiques, « scandaleux » selon les rapports de la police de l'époque, se déroulaient dans le sous-sol et les prostituées mettaient tout en place pour raccrocher leur clients. Les salles de théâtre étaient un terrain de chasse naturel:
Rétif, les 32 filles |
« Les femmes publiques remplissent un tiers de la salle, en occupent les places les plus distinguées […] et concluent sans retenue des marchés honteux qui font frémir l’oreille chaste qui les entend » ...
« Le libertinage le plus effronté et le plus scandaleux se montre au Palais-Égalité, les filles prostituées ne gardent plus de mesure ; leurs propos, leurs actions font rougir la pudeur la moins farouche. C’est en plein jour qu’on les voit se livrer à tous les excès de leur impudence »**
Promenade du Jardin du Palais Royal (s.d.) |
À l'époque de la Révolution le commerce s'appuyait aussi sur les boutiques des galeries qui vendaient des articles de mode, du tabac, etc, mais dont la véritable vocation était bien autre. « Le Palais-Royal, c'est le lieu où les filles de boutique se font putains, et le putains se font filles de boutiques », écrivait-on dans un pamphlet anonyme.
« C'est surtout pendant les désordres de la révolution, que les prostituées de Paris prirent l'usage de se mettre en boutique; on comptait plus de vingt de ces établissements dans le Palais-Royal (Palais-Égalité), et sur ces vingt, huit se trouvaient dans les anciennes galeries de bois. Elles avaient adopté pour enseignes des vases remplis de poudres de différentes couleurs qu'elles disposaient d'une manière particulière que tout le monde connaissait, et que les plus élégantes entremêlaient de fleurs de la saison. » (Alexandre-Jean-Baptiste Parent-Duchatelet, De la prostitution dans la ville de Paris, considérée sous le rapport de l'hygiène publique, de la morale et de l'administration, Paris, 1836)
Charles-Louis Desrais, Le serail en boutique (RMN)
Un rapport de 1802 du ministre de la Police Joseph Fouché énumère trente mille filles publiques à Paris. Deux ans plus tard, sous Napoléon, la préfecture légalise officiellement les maisons de tolérance. Il y en aura 180 en 1809 et 200 en 1840! Pourtant le raccrochages dans les lieux publiques était encore très pratiqué. En 1815 Jean-François-Pierre Déterville montre du doigt dans un pamphlet les mœurs indécents des habitués du Palais-Royal (redevenu Royal après la chute de Napoléon):
F. Courbin, Scène de jeux au Palais-Royal |
« On l'appelle la Capitale de Paris ; tout s'y trouver mais mettez là un jeune homme ayant vingt ans et cinquante mille livres il ne voudra plus, il ne pourra plus-sortir ce lieu de féerie, il deviendra un Renaud dans le palais d'Armide; et si ce héros y perdit tant de temps et presque sa gloire, notre jeune homme y perdra le-sien, et peut-être sa fortune : ce n'est plus que là désormais qu'il pourra jouir; partout ailleurs il s'ennuiera. Ce séjour enchanté est une petite ville luxueuse, enfermée dans une grande ; c'est le temple de la volupté, d'où les vices brillants ont banni jusqu'au fantôme de la pudeur. Il n'y a pas de guinguette dans le monde plus gracieusement dépravée ; on y rit, mais c'est de l'innocence qui rougit encore. En faisant le tour, vous trouvez toutLa morale bourgeoise s'installe graduellement dans l'opinion publique et au pouvoir, les choses évoluent: en 1823 le préfet de police édicta un règlement concernant les maison de tolérance qui restera en vigueur jusqu'en 1946 et qui interdisait « aux femmes publiques de se présenter sur la voie publique ».
-ce que vous pouvez désirer. Jeux, spectacles, cafés,traiteurs, cabinet de lecture, femmes très-douces et très accommodantes à tous prix. Là, on peut tout voir, tout entendre, tout connaître; il y a de quoi faire d'un jeune homme un petit savant en détail; mais c'est ainsi que l'empire du libertinage agit sur une jeunesse effrénée qui; répandue ensuite dans les sociétés, y promène un ton inconnu partout ailleurs, l'indécence sans passion. Le libertinage y est éternel; à chaque heure du jour et de la nuit, son temple est ouvert et à toute sorte de prix. » (Jean-François-Pierre Déterville, Le Palais-Royal ou les Filles en bonne fortune, 1815)
Ce n'est que à partir de 1830 que le Palais-Royal commence à perdre son aura de lieu de perdition : sous Louis-Philippe la prostitution y est officiellement bannie et se déplace peu à peu vers les boulevards.
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* Clyde Plumauzille, « Le « marché aux putains » : économies sexuelles et dynamiques spatiales du Palais-Royal dans le Paris révolutionnaire », Genre, sexualité & société
[En ligne], 10 | Automne 2013, mis en ligne le 01 décembre 2013,
consulté le 16 mars 2016. URL : http://gss.revues.org/2943 ; DOI :
10.4000/gss.2943\
** Rapport général des mœurs et esprit public du 14 floréal an VI, cité par C. Plumauzille.
(Images: Bnf, Gallica, Brown University Library, RMN)
(Pour une histoire générale du Palais-Royal voir le guide rédigé par Ulrike Kasper, disponible à cette adresse)
** Rapport général des mœurs et esprit public du 14 floréal an VI, cité par C. Plumauzille.
(Images: Bnf, Gallica, Brown University Library, RMN)
(Pour une histoire générale du Palais-Royal voir le guide rédigé par Ulrike Kasper, disponible à cette adresse)
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