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Le métro et Paris : entre Histoire et modernité

Avec ses quatorze lignes, ses quelques trois cent stations et quatre cents points d’arrêts, le métro parisien est l’un des moyens de transports les plus sollicités de la capitale. Chaque jour, il est emprunté par des millions de voyageurs, citadins, touristes, ou travailleurs. Mais ce réseau, c’est aussi plus d’un siècle d’histoire. Une histoire qui transparait à travers les décors des stations, l’aspect des souterrains, l'évolution des métros ou encore l'apparence des embouchures permettant de rejoindre les quais.

Témoignage du passé, patrimoine historique, espace de promotion et d'échange culturel, les stations de métro représentent bien plus que de simples transports en commun. Entre le tumulte des allers venus, prenons le temps de nous arrêter sur quelques stations emblématiques...


Un patrimoine vieux de cent ans

Inauguré en 1900, quelques mois avant le début de l'Exposition universelle, le réseau ne cessera dès lors de se développer. Les lignes fleuriront et chacune d’elle sera marquée par les mouvements artistiques et les faits historiques de leur temps.

Les édicules d'autrefois
Édicule par Hector Guimard
C'est à Hector Guimard que l'on doit l'architecture originale des premières bouches de métro. Architecte français, il a fait ses classes à l’École supérieure des arts décoratifs ainsi qu'à l’École nationale supérieure des beaux-arts. Lors d'un voyage en Belgique, le jeune Guimard va puiser son inspiration dans l'une des constructions de Victor Horta, l'hôtel Tassel, et devenir l’une des figures de proue française de l’Art nouveau. Mouvement artistique de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, l’Art nouveau privilégie l’harmonie, l'esthétisme, la beauté des lignes et des courbes, ainsi que l'ornementation. Il s'agit quelque part pour ces artistes de réintroduire la beauté dans cette société fortement industrialisée, mais aussi de faire fi de tous les codes artistiques régissant la création des œuvres. Les artistes de ce mouvement proposent ainsi un renouveau dans l’exploitation des formes et leur représentation. L’artiste est libre et laisse courir son imagination au service d’un art qui se veut à la fois original et joyeux.

C’est ce que traduisent les formes des bouches de métro pensées et conçues par le jeune Hector Guimard. Les courbes des fontes sont harmonieuses et recherchées, leurs mouvements parfois complexes, et leurs remous nerveux rappellent souvent ceux que l’on peut observer à travers le monde végétal.

« C’est à la nature qu’il faut toujours demander conseil » disait Hector Guimard. Et c’est aussi ce que traduit son œuvre. L’artiste architecte s’inspire de la nature et de ses formes dynamiques : la courbe des fleurs, les veines des arbres, l’apparence des feuilles, l’entrelacement des tiges… Entre imagination et inspiration, ce sont des motifs à la fois abstraits et suggestifs qui voient le jour, comme en témoignent les entrées des stations Porte Dauphine, Abbesses, et Châtelet (Accès rue des Lavandières-Sainte-Opportune).


Édicule "libellule" par Hector Guimard
C’est à la station Porte Dauphine (ligne 2) que l’on trouve l'une de ses œuvres les plus emblématiques. La seule qui, par ailleurs, se trouve encore aujourd'hui à son emplacement originel. « Une libellule déployant ses légères ailes », voilà ce que recherchait le jeune architecte lorsqu'il dessina le projet de la future bouche de métro. C’est la marquise de l’édicule, composée de lames de verre au positionnement subtil, qui rappelle les ailes fragiles de l'insecte. Les plaques qui entourent la construction de Guimard lui donnent quant à elle plus de relief. Faites de lave émaillée, elles s’insèrent au sein de la structure faites de fonte. Des entrelacements de courbes colorées, à la fois simples et complexes, ornementent ces plaques, s’ajoutant à la finesse et la légèreté qui ressortent de ce travail.

Notons qu’Hector Guimard conçu près de 86 édicules pour les entrées des bouches de métro, mais bon nombre furent démontées dans les années 1930, leur couleur et certains de leurs aspects évoquant aux français et parisiens le douloureux souvenir allemand. Par ailleurs, les œuvres restantes de l’architecte que nous pouvons admirer à la sortie des bouches de métro sont toutes inscrites à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques.

Édicule de la station Saint-Fargeau
L'architecte Charles Plumet contribua également aux projets de décoration du métro. Il dessina ainsi plusieurs édicules pour des bouches de métro situées sur l'ancienne ligne 3, actuellement la ligne 3bis du réseau. On les retrouve ainsi au niveau de la station Saint-Fargeau par exemple.
Plus massives que celles d'Hector Guimard et peut être moins connues, ses créations se caractérisent par l'usage de matériaux différents, tels que le béton armé, la céramique, la mosaïque ou encore le marbre poli. On retrouve dans ces édicules la volonté de l’esthétisme caractéristique de l’époque de construction (début des années 1900), et des marques du mouvement Art nouveau qui influença également l’architecte. Notons que les céramiques de la station Saint-Fargeau furent l’œuvre des céramistes Gentil et Bourdet, qui décorèrent tout l’auvent.

La faïence métro
Faïences de la station Notre-Dame des Champs
L’une des autres caractéristiques du métro qui demeure encore aujourd’hui, et que l’on peut retrouver sur bon nombre de stations : c’est la faïence blanche. Elle orne la plupart des murs des stations de la capitale. Cette décoration fut décidée lors de la création du métro. Simple et unifiée, on la retrouve également sur certaine des stations les plus récentes, et elle a été conservée sur bon nombre de stations rénovées. Aujourd’hui, le terme de « faïence métro » est même devenu commun dans certains magasins de bricolage, qualifiant les carreaux blancs faits du même matériau qu'ils proposent à la vente.


Publicité sur la faïence de la station fantôme Saint Martin
Les faïences étaient également réquisitionnées autrefois pour "l'affichage" des publicités. Celles-ci, au tout début du siècle, n’étaient pas de papier, mais en relief, insérées sur les faïences du métro. Celles encore conservées se trouvent généralement sur les murs des stations fantômes. Elles sont toutefois le témoignage d’une époque et s’ajoutent au patrimoine du métro.


Le métro d'aujourd’hui

En un siècle, le métro a toutefois suivi les avancées techniques de son temps. Le réseau s’est modernisé et certaines stations ont vu leurs décors se modifier. Les faïences ont été renouvelées ou supprimées et l'ensemble du réseau sous-terrain réaménagé pour le confort des voyageurs. Mais le métro, espace en mouvement, continue encore aujourd’hui d’être l’objet de créations nouvelles. Entre art moderne, promotion de lieux culturels et décors célébrant des dates clefs de l’Histoire française, découvrons ce nouveau patrimoine qui ne cesse de fleurir.

Les centenaires et bicentenaires mis à l’honneur

A la station Palais-Royal (sortie place Colette)

Le Kiosque des noctambules, par Jean-Michel Othoniel

Cent ans après le lancement du métro dans la capitale, et comme un hommage rendu à l’architecte Hector Guimard évoqué précédemment, la RATP fit appel en l’an 2000 aux talents de l’artiste Jean-Michel Othoniel pour concevoir un nouvel édicule. Le Kiosque des noctambules surplombe ainsi depuis maintenant près treize ans l’entrée de la bouche de métro Palais-Royal, sur la place Colette. Après l’Art nouveau, c’est l’art moderne, actuel, qui s’installe dans la ville et vient mettre en valeur le réseau souterrain qui la sillonne.

La création de l’artiste Jean-Michel Othoniel, moderne et rocambolesque, détonne au sein d’un quartier classique et près du très célèbre Palais-Royal. Elle fut d’ailleurs très critiquée au moment de son installation. L’œuvre rappelle malgré tout, dans sa composition, celles pensées et crées par Hector Guimard. Des anneaux juxtaposés entourent l’entrée du métro tandis que des colonnes en aluminium succèdent à celles de fonte, et supportent non plus des marquises de verre transparent mais deux dômes stylisés et colorés, composés de sphères en verre de Murano.

Par ailleurs, chacun de ces deux dômes se distinguent par l’usage de couleurs différentes, avec pour l’un d’entre eux des couleurs chaudes, évoquant selon l’artiste le rayonnement solaire du jour, et pour le second, des tons plus froids, rappelant la nuit. Un banc se trouve également à l’arrière de la structure, prêt à accueillir les  noctambules…

A la station Arts et Métiers, ligne 11

Station Arts et Métiers façon Jules Verne
La station Arts et Métiers fut entièrement réaménagée en 1994, à l’occasion du bicentenaire du Conservatoire national des arts et métiers se trouvant à proximité. C’est à François Schuiten, dessinateur et scénographe Belge, que fut confié le projet de restructuration. L’artiste proposa alors de transformer l’endroit en une machine géante, tirée tout droit de l’univers à la fois fantastique et surnaturel de Jules Verne. Avec ce projet, c’est le Nautilus de Vingt mille lieues sous les mers (1869) qui prend forme.

Les carreaux de faïence caractéristiques des stations de métro vont disparaitre pour laisser place à de grandes plaques de cuivre, rappelant la structure des sous-marin. Les rouages situés au plafond, les instruments scientifiques disposés dans des vitrines aux contours de hublot, et le métro qui se trouve sous terre, tout contribue à transporter le voyageur dans une autre dimension. C’est l’univers de Jules Verne qui se matérialise le temps d’un arrêt...

Station Concorde, ligne 12
La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, station Concorde
C’est à l’occasion d’un autre bicentenaire, celui de la Révolution française de 1789, que la station de métro Concorde fut réaménagée. Françoise Schein, architecte, urbaniste mais aussi artiste plasticienne, fut chargée de penser un décor nouveau pour la station. Elle choisit d’orienter son travail autour de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. En conservant la faïence blanche typique des stations de métro parisien, elle fit placer, sur chacun de ces carreaux, des lettres noires en style Garamond correspondant au texte de cette Déclaration. Elle en offre une vision nouvelle, puisque aucun espace ne sépare les mots, incitant ainsi le voyageur à déchiffrer les phrases et donc à s’appesantir sur le texte, à le (re)découvrir.

Ce réaménagement, qui fut achevé en 1991, est hautement symbolique du fait de la date anniversaire qu’il célèbre, mais aussi du lieu, la place de la Concorde ayant été sous la Révolution la place des exécutions.

A travers le prétexte des dates anniversaires, le réaménagement de ces stations traduit aussi la volonté de la RATP et de la municipalité de Paris de faire de ces lieux qui sont des lieux de passage, des endroits attractifs, culturels et symboliques, permettant de redécouvrir la capitale et son Histoire de façon originale, le temps d’un arrêt.

Une sélection de quelques stations culturelles

Louvre-Rivoli, ligne 1
Station Louvre-Rivoli, un musée avant le musée
La station Louvre-Rivoli offre aux voyageurs un avant goût du musée se trouvant juste au-dessus d’elle. C’est à l’initiative d’André Malraux en 1968, qu'elle se métamorphose et révise sa décoration. L’architecte Robert Venter fut appelé pour opérer le changement : les faïences blanches furent alors remplacées par des pierres de Bourgogne, caractéristiques des sols du Palais du Louvre et des vitrines furent également insérées dans les parois afin de présenter des reproductions d’œuvres d’art exposées au musée. Entre statues, sculptures et gravures, la station appelle et invite les voyageurs à découvrir les trésors exposés au Musée du Louvre.

Cette station n’est toutefois pas la seule à promouvoir le lieu culturel qu’elle dessert, en effet celle des Champs-Élysées-Clemenceau est par exemple dédiée au Palais de la Découverte et à ses expositions sur le thème de la science.

La station Parmentier, ligne 3
La station Parmentier et ses résilles façon sac de pommes de terre

La station Parmentier sur la ligne 3 fait honneur à celui dont elle porte le nom, Antoine Augustin Parmentier, nutritionniste rendu célèbre notamment pour la promotion qu’il fit de la pomme de terre et de ses bienfaits (d’où le nom de la recette à base de pommes de terre : le hachis Parmentier). La décoration des murs de la station rappelle par ailleurs les mailles des filets de pommes de terre et une statue de Parmentier offrant le fameux légume à un paysan se trouve exposé tout près des quais.

Station Madeleine, ligne 14
La poule aux œufs d'or, par Ivan Loubennikov
Promouvoir la culture, mais aussi l’échange. C’est le cas de la station Madeleine sur la ligne 14. Dans ses couloirs, avant de rejoindre le métro, les voyageurs peuvent se retrouver face au gigantesque vitrail d’Ivan Loubennikov. L’œuvre nommée « Ryaba la poule » illustre de façon stylisée le conte de la poule aux œufs d’or. Elle est aussi un prétexte pour son auteur qui y loue son pays, la Russie, comme en témoignent les multiples symboles présents dans l’œuvre : la faucille et le marteau, la croix orthodoxe, l’Aigle, l’Etoile rouge mais aussi les coupoles si spécifiques de la Cathédrale Saint-Basile-le-Bienheureux. Cette œuvre s’impose également comme le fruit d’un échange culturel entre la Russie et la France, l’un des édicules d’Hector Guimard encadrant désormais l’une des bouches du métro de Moscou.
Le métro s’impose ainsi parfois comme un prétexte dans l’échange culturel entre plusieurs pays, une ouverture de la ville vers l’ailleurs, une brèche vers l’extérieur.

Cet aperçu, non exhaustif, témoigne de la richesse du métro et de son patrimoine. Le métro n'est pas seulement un moyen de transport, il est aussi un réseau à la richesse patrimoniale non négligeable et un vecteur de promotion culturelle. Le temps d’un arrêt, il livre aux voyageurs son histoire, celle de la ville et de l’art qui l’anime...

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Image de tête:  1813 Paris - Métro, station Rome (XVII° Arr.) F. F. Paris

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